"...don't be stuck in the every day reality, allow yourself to dream, have faith in your wildest dreams." [AaRON]

"Ne restez pas scotchés à la réalité quotidenne. Permettez-vous de rêver. Croyez en vos rêves les plus fous..." [AaRON]

lundi 10 juillet 2017

LITTERATURE : Dirk BOGARDE - Des voix dans le jardin


Dirk BOGARDE – Des voix dans le jardin. Paris, Ed. Acropole, 1993 (titre original : Voices in the garden - traduit de l’anglais par Béatrice Vierne).

Marcus est un jeune anglais en vacances sur la Côte d’Azur. Alors qu’il a trouvé une crique isolée pour y planter sa tente, il sauve de la noyade une élégante femme âgée. En remerciements, celle-ci l’invite à passer quelques jours dans la somptueuse villa qu’elle occupe avec son mari, Sir Charles Peverill, un historien passionné par la vie de l’Aiglon. 

Marcus, qui a eu une enfance difficile, découvre, ébloui, un monde de luxe et de volupté auquel il n’imaginait pas une seule minute être un jour confronté.

J’ai acheté ce livre après avoir vu, à la télévision, un téléfilm où Anouk Aimée, une actrice que je vénère, jouait le rôle de ‘Cuckoo’ Lady Peverill (bizarrement renommée ’Linotte’ dans le texte français). J’avais été séduit par l’élégance « fin de siècle » (ou plutôt « fin de race ») de ce film, réalisé en 1993 pour la BBC par un Français, Pierre Boutron. En faisant une recherche sur Internet, j’avais découvert que l’auteur du livre original Voices in the garden, n’était nul autre que le célèbre acteur britannique, Dirk Bogarde. J’avais eu un certain mal à trouver le bouquin, peu connu, et complètement épuisé.

En le lisant, j’ai retrouvé toute l’ambiance feutrée et élégante du film et j’ai surtout eu la révélation d’un grand auteur. En effet, Dirk Bogarde, l’interprète des plus grands réalisateurs (Cukor, Losey, Visconti ou Alain Resnais) fut aussi un remarquable écrivain qui sut mettre au service de la littérature toute sa connaissance intime du cinéma. Car, même si ce livre est un roman, il ne fait aucun doute que Bogarde y a beaucoup mis de lui-même et de ses expériences. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le 1er volume de son autobiographie, Une enfance rêvée (A postillon struck by lightning, 1977), remarquable récit de l’enfance à ses premiers pas comme acteur.

Voir aussi, sur mon blog cinéma, l'article dans lequel je traite du film "Des voix dans le jardin". 

dimanche 9 juillet 2017

LITTERATURE : Jean-Jacques ROUSSEAU - "L'or des bruyères"


Photo de Roland Comte (Automne - Ailhon)

J'allais alors d'un pas plus tranquille chercher quelque lieu sauvage dans la forêt, quelque lieu désert où rien ne montrant la main des hommes n’annonçait la servitude et la domination, quelque asile où je pusse croire avoir pénétré le premier, et où nul tiers opportun ne vint s'interposer entre la nature et moi. C'était là qu'elle semblait déployer à mes yeux une magnificence toujours nouvelle. L'or des genêts et la pourpre des bruyères frappaient mes yeux d'un luxe qui touchait mon cœur; la majesté des arbres qui me couvraient de leur ombre, la délicatesse des arbustes qui m'environnaient, l'étonnante variété des herbes et des fleurs que je foulais sous mes pieds, tenaient mon esprit dans une alternative continuelle d'observation et d'admiration: le concours de tant d'objets intéressants qui se disputaient mon attention, m'attirant sans cesse de l'un à l'autre, favorisait mon humeur rêveuse et paresseuse, et me faisait souvent redire en moi-même: «Non, Salomon dans toute sa gloire ne fut jamais vêtu comme l'un d'eux. »

Mon imagination ne laissait pas longtemps déserte la terre ainsi parée. Je la peuplais bientôt d'êtres selon mon cœur, et, chassant bien loin l'opinion, les préjugés, toutes les passions factices, je transportais dans des asiles de la nature des hommes dignes de les habiter. Je m'en formais une société charmante dont je ne me sentais pas indigne; je me faisais un siècle d'or à ma fantaisie, et remplissant ces beaux jours de toutes les scènes de ma vie qui m'avaient laissé de doux souvenirs, et de toutes celles que mon cœur pouvait désirer encore, je m'attendrissais jusqu'aux larmes sur les vrais plaisirs de l'humanité, plaisirs si délicieux, si purs, et qui sont désormais si loin des hommes. Cependant au milieu de tout cela, je l'avoue, le néant de mes chimères venait quelque fois la contrister tout à coup.. Quand tous mes rêves se seraient tournés en réalités, ils ne m'auraient pas suffi : j'aurais imaginé, rêvé, désiré encore. Je trouvais en moi un vide inexplicable que rien n'aurait pu remplir, un certain élancement du cœur vers une autre jouissance dont je n'avais pas d'idée et dont pourtant je sentais le besoin. Hé bien, cela même était jouissance, puisque j'en étais pénétré d'un sentiment très vif et d'une tristesse attirante que je n'aurais pas voulu ne pas avoir.

Bientôt, de la surface de la terre, j'élevais mes idées à tous les êtres de la nature, au système universel des choses, à l'Etre incompréhensible qui embrasse tout. Alors, l'esprit perdu dans cette immensité, je ne pensais pas, je ne raisonnais pas, je ne philosophais pas: je me sentais avec une sorte de volupté, accablé du poids de cet univers, je me livrais avec ravissement à la confusion de ces grandes idées, j'aimais à me perdre en imagination dans l'espace; mon cœur, resserré dans les bornes des êtres, s'y trouvait trop à l'étroit, j'étouffais dans l'univers, j'aurais voulu m'élancer dans l'infini. Je crois que, si j'eusse dévoilé tous les mystères de la nature, je me serais senti dans une situation moins délicieuse que cette étourdissante extase à laquelle mon esprit se livrait sans retenue, et qui dans l'agitation de mes transports, me faisait écrier quelquefois: « O grand Etre! ô grand Etre! » sans pouvoir dire ni penser rien de plus.

Ainsi s'écoulaient dans un délire continuel les journées les plus charmantes que jamais créature humaine ait passées: et quand le coucher du soleil me faisait songer à la retraite, étonné de la rapidité du temps, je croyais n'avoir pas assez mis à profit ma journée, je pensais en pouvoir jouir davantage encore; et, pour réparer le temps perdu, je me disais: « Je reviendrai demain ».

(Jean-Jacques Rousseau - Troisième lettre à M. de Malesherbes)

Ce texte a fait partie de la sélection du 14ème Printemps des Poètes organisé par Cévennes Terre de Lumière le 18 mars 2012 en l'église romane de Saint-Jean de Poutcharesse au profit de sa restauration.  


POESIE : "Ô ANGE ! "


Photo de Roland Comte prise lors d'un voyage en Bretagne

Ô ange !

Ô ange ineffable
Le pauvre humain ne te voit pas
Mais il frissonne  lorsque, soudain, tu le pousses à l’épaule
Et lui dis d’avancer
Ou quand tu le retiens et empêches sa chute

Mais les enfants, oui, les animaux aussi
Ressentent ta présence
Et les artistes qui te peignent avec de longues ailes
Touchant le sol et allant jusqu’au ciel
C’est qu’ils ne savent pas comment te dire…

Pourtant, il n’est qu’à regarder,
Dans le jour finissant, les ombres s’allonger
Et dans le ciel diaphane, les traces de ton vol
Pour être convaincu que tu es là, toujours…

Tu es compatissant aux faibles et exigeant aux forts
Et n’abandonnes pas ceux qui viennent à toi
Et demandent ton aide
Mais tu exiges d’eux qu’ils soient sincères et vrais

Auteur: Roland Comte. Aubenas, 1er janvier 2012 - Extrait du recueil inédit Paroles du Vent. Ce texte a été lu pour la première fois par son auteur lors du 14ème Printemps des poètes le 18 mars 2012 en l'église de Saint Jean-de-Pourcharesse (Ardèche)